Il arrive que, à la suite d’un entretien conflictuel avec un supérieur hiérarchique, l’agent public soit placé en arrêt maladie pour un état pathologique réactionnel à cet entretien.

Dans cette hypothèse, ces arrêts peuvent-ils être reconnus imputables au service ?

La réponse est oui, mais sous certaines conditions, lesquelles se sont fortement durcies depuis 2021.

1. La définition de l’accident de service

A l’origine, la définition de l’accident de service en fonction publique ne figurait pas dans la loi. C’est au Conseil d’Etat, la plus haute juridiction de l’ordre administratif, à qui l’on doit sa définition.

Le Conseil d’Etat a ainsi défini de longue date l’accident de service en fonction publique. Selon la Haute juridiction, un accident de service se définit comme « un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci ».

Par la suite, l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 a instauré une présomption d’imputabilité pour les accidents survenus sur le temps et le lieu du service.

Aujourd’hui, la définition de l’accident de service est codifiée dans le Code général de la fonction publique. L’article L 822-18 de ce code prévoit ainsi que :

« Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ».

2. Les conditions de la qualification d’un entretien en accident de service

Pendant un temps, la jurisprudence administrative a reconnu qu’un entretien pouvait constituer, en tant que tel, un fait traumatique constitutif d’un accident de service.

A titre d’illustration, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’un fonctionnaire souffrant d’un état de stress réactionnel à un entretien conflictuel avec sa hiérarchie, dès lors qu’il ne présentait pas d’antécédent sur un plan psychopathologique et qu’aucune faute personnelle détachable du service ne pouvait lui être reproché, était fondé à soutenir que l’entretien en question était constitutif d’un accident de service. La Cour précise également dans cet arrêt que la circonstance que l’administration n’ait commis aucune faute à l’égard du fonctionnaire est sans incidence sur le caractère direct du lien entre l’entretien et le déclenchement de la pathologie (CAA de MARSEILLE, 9ème chambre – formation à 3, 25/09/2018, 17MA01940).

Le Conseil d’Etat a néanmoins durci fortement les conditions de la reconnaissance d’un entretien en accident de service en 2021.

Ainsi, dans un arrêt du 27 septembre 2021, la Haute juridiction a jugé qu’un entretien ne pouvait en principe pas être qualifié, sauf exception, d’accident de service : « Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent » (Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 27/09/2021, 440983).

Désormais, la circonstance qu’un agent public ne présente aucun antécédent, qu’aucune faute ne puisse lui être reprochée, et qu’il souffre d’un état pathologique réactionnel aux propos tenus à son encontre en entretien, ne suffit plus à faire qualifier l’entretien en accident de service.

Pour obtenir la reconnaissance de l’imputabilité au service des arrêts de travail, il faudra également démontrer que le supérieur hiérarchique a dépassé « l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ».

Depuis cette décision, il donc est devenu particulièrement difficile pour un agent public d’obtenir la reconnaissance de l’imputabilité au service d’arrêts de travail consécutifs à un entretien professionnel ou à un entretien d’évaluation. Outre la difficulté qu’il existe à définir ce qui constitue ou non un « exercice normal » du pouvoir hiérarchique, le fonctionnaire va nécessairement se heurter à la difficile question de la preuve si l’entretien s’est déroulé en l’absence de témoin.

3. Les droits attachés à la reconnaissance de l’accident de service

Si l’entretien est reconnu comme accident de service, le fonctionnaire en arrêt de travail va être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS).

Le CITIS n’est pas limité dans le temps. Le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise en retraite.

Outre le maintien du plein traitement, le fonctionnaire a droit à la prise en charge de ses frais médicaux en lien avec l’accident de service.

Le fonctionnaire conserve ses droits à l’avancement (d’échelon et de grade).

De la même manière, le CITIS est sans incidence sur la validation de trimestres pour la retraite.